Le camp des brigadistes

Au début du mois de février 1939, un peu plus de 7500 internationaux passent la frontière et arrivent dans les Pyrénées-Orientales. La plupart de ces hommes sont des volontaires internationaux qui ne sont pas rentrés dans leur pays au moment du retrait des Brigades internationales d’Espagne à l’automne 1938, en raison de leurs appartenances politiques et des régimes totalitaires instaurés dans leurs nations d’origine. Cette situation concerne essentiellement les pays soumis à un régime fasciste comme l’Allemagne ou l’Italie. Parmi ces apatrides, beaucoup ont fait le choix de rester se battre aux côtés de leurs compagnons espagnols jusqu’au bout et furent versés au sein de l’armée républicaine dans des unités mixtes. Certaines unités, reconstituées, passent la frontière devant la commission internationale de contrôle les 7 février et 8 février au Perthus. Les autres rentrent individuellement ou par petits groupes avec l’armée républicaine. Une partie de ces volontaires des Brigades Internationales, toujours présents en Espagne au moment de la retraite, est aussi composée de blessés qui sont évacués.

Dès le passage de la frontière, tous les internationaux sont fouillés puis escortés jusqu’aux camps de plage. Ils sont internés pour moitié au camp de Saint-Cyprien et pour l’autre au camp d’Argelès-sur-Mer. Les premiers rapatriements s’opèrent rapidement. Des Hollandais, Danois, Suédois, Belges ou Américains peuvent quitter Saint-Cyprien et Argelès-sur-Mer en février 1939. Dans les deux camps, les anciens volontaires s’organisent en sous-groupes suivant leurs nationalités, leurs unités d’origine et leurs obédiences politiques. C’est par exemple le cas des Italiens du groupe « Libertà o morte ». Sur les 540 combattants italiens regroupés à Argelès-sur-Mer, le Ministère de l’Intérieur transalpin identifie alors 117 d’entre eux comme anarchistes dans ce groupe. On retrouve d’anciens volontaires des centuries anarchistes dont Antoine Gimenez (fausse identité prise par Bruno Salvadori en 1935).

La police française surveille aussi de très près ces hommes, à commencer par le le chef du camp des internationaux d’Argelès-sur-Mer, Ferenc Münnich, alias Otto Flatter.  Ferenc Münnich est ainsi mis à l’isolement au Château Royal de Collioure, sur décision militaire, avec sept autres brigadistes signalés par le Ministère de l’Intérieur et suspectés de menées antinationales sur le territoire. Ce sont une quarantaine d’internationaux qui sont transférés du camp d’Argelès-sur-Mer vers celui de Collioure au printemps 1939. Tous les autres sont systématiquement identifiés par les hommes du commissariat central du camp avec l’établissement de notices individuelles qui vont alimenter les dossiers du Fichier Central à Paris. Les quelques 6000 internationaux toujours présents à la fin du mois d’avril 1939 sur les plages de Saint-Cyprien et d’Argelès-sur-Mer sont transférés  vers le camp de Gurs, dans les Pyrénées-Atlantiques. Certains d’entre eux reviendront au camp d’Argelès-sur-Mer après la capitulation.

Plus de 50 nationalités

Le 5 mars 1939, un rapport de la préfecture des Pyrénées-Orientales fait encore état de la présence de 6645 Internationaux regroupés dans les camps d’Argelès-sur-Mer et de Saint-Cyprien. Fin mars, ils sont près de 6000. Soit  2646 hommes à Saint-Cyprien et 3089 à Argelès-sur-Mer. A l’image des Brigades internationales en Espagne, ces hommes viennent du monde entier. Derrière les barbelés d'Argelès-sur-Mer ce sont alors plus de cinquante nationalités qui sont représentées. Les groupes les plus importants sont les Italiens, les Polonais, les Allemands, les Autrichiens les Tchèques, les Yougoslaves, les Portugais, les Cubains et les Argentins. Cette liste, du 29 mars 1939, ne mentionne toutefois pas certains groupes déjà rapatriés comme les Haïtiens ou les Suédois.