La révolte des femmes

Au début de l’année 1941, la Direction Générale de la Sûreté Nationale met en place une opération visant à transférer en Afrique du Nord « 5 000 militants extrémistes dangereux, Français et étrangers ». Ces hommes proviennent tous des camps du sud de la France. 50 000 étrangers sont alors encore internés en zone sud : 15 000 à Argelès-sur-Mer, 15 000 à Gurs, 6000 à Rivesaltes, 3500 au Vernet, 2000 à Brens et 500 à Rieucros. 2200 étrangers identifiés dans les camps du Vernet et d'Argelès-sur-Mer sont visés par ce transfert vers le tout nouveau camp de Djelfa installé en Algérie. Identifiés par le Ministère de l’Intérieur sous le sigle I.F ( « indésirables français »), des citoyens français sont les premiers concernés par les mesures d’expulsion. L'appellation IF regroupe pêle-mêle des hommes internés pour « communisme », « syndicalisme », « défaitisme » ou « objection de conscience ». Le premier convoi quitte Port-Vendres le 2 mars 1941. Deux autres suivront.

Le premier convoi ciblant des étrangers est réorganisé pour le 22 mars 1941. Il concerne 209 brigadistes du camp n°1 bis d’Argelès-sur-Mer. Les opérations ne se déroulent pas comme prévu. A l’appel, les hommes refusent de sortir des baraques. Le préfet doit dépêcher des renforts de troupes avec un escadron de Gardes Mobiles supplémentaire et une compagnie du 21e Régiment d'Infanterie Coloniale (RIC) munie de mitrailleuses lourdes pour encercler une partie du camp. Un dispositif complété par la présence d'un aviso, La Glorieuse, au mouillage à 1000 mètres du rivage. Le 23 mars, les forces de l’ordre entrent dans le camp des internationaux. Forçant les barrières, environ 500 femmes se précipitent vers le camp 1 bis où un début d'insurrection éclate. Pour procéder à l'embarquement, il est trop tard. Les anciens brigadistes concernés se sont cachés ou mélangés aux autres internés.  Il manque ainsi une centaine d'hommes prévus sur les listes.


Ces incidents seront relayés par la presse américaine car, en ce dimanche de mars 1941, des journalistes américains avaient été autorisés par Vichy à visiter le camp d’Argelès-sur-Mer. Les internationaux, prévus dans le convoi du 23 mars et qui n’ont pas pu être embarqués à bord du Djebel Amour, sont envoyés au Château royal de Collioure. 286 Allemands et 175 Italiens du camp 1 bis sont eux transférés à la citadelle de Mont-Louis. Les 857 ex-brigadistes internationaux, toujours présents au camp d'Argelès-sur-Mer, sont dirigés au camp du Vernet d’Ariège. Les convois d’étrangers continuent tout au long du mois d’avril et du mois de mai 1941 embarquant aussi 114 Espagnols internés à l’îlot spécial d’Argelès-sur-Mer. Ce sont près de 1700 internés qui sont transférés depuis la métropole vers l'Algérie entre le début du mois de mars 1941 et la fin du mois d'août 1942. Parmi eux, plus de 1100 étrangers , venus essentiellement des camps du Vernet et d’Argelès-sur-Mer.

Les « meneuses » transférées à Rieucros

En représaille à la révolte des femmes du camp d’Argelès-sur-Mer,  le Ministère de l'Intérieur  ordonne le transfert d'une cinquantaine de « meneuses » vers le camp de Rieucros pour avoir « participé à la manifestation du 23 mars 1941 ». Certaines quittent le camp d’Argelès-sur-Mer avec leurs enfants. Une partie de ces femmes sera ensuite envoyée sur le camp de Brens dans le Tarn.  L’Association pour Perpétuer le Souvenir des Internées des Camps de Brens et Rieucros a étudié le parcours de 39 de ces femmes, à travers les archives départementales du Tarn. 26 d'entre elles ont été  « remises aux autorités espagnoles »  entre le mois de mai de 1941 et le mois de novembre 1943, via la frontière de Port-Bou. Compte tenu de l’aspect collectif de certains de ces transferts, il y a peu de doute sur le caractère autoritaire de ces « remises aux autorités espagnole».