Joseph Patrick Kennedy Jr

Témoignages

Joseph Patrick Kennedy Jr

Joseph Patrick Kennedy « junior » (1915-1944) est le frère ainé de John Fitzgerald Kennedy. En février 1939, il se trouve à Paris et rejoint le camp d’Argelès-sur-Mer pour visiter les brigadistes américains internés en compagnie d’un membre du consulat américain en France. J.P.K Jr prendra quelques photographies et adressera un rapport sur sa visite à son père, alors ambassadeur des Etats-Unis à Londres, qui avait mis tous ses espoirs dans ce brillant étudiant en droit d’Harvard pour embrasser une carrière politique qui devait l’amener à la Maison Blanche. Joseph Patrick Kennedy « junior »  meurt accidentellement à bord d’un bombardier au départ d’une mission sur l’Allemagne en août 1944.

Je suis arrivé ici, à Perpignan, ce matin, après avoir quitté Paris hier soir. Mon voyage fut organisé en une journée après j’eus reçu mon nouveau passeport. Gilbert m’a amené visiter le camp de concentration d’Argelès dans le but de rapatrier quelques membres des Brigades Internationales. Durant tout le trajet nous avons vu l’armée des vaincus. Mal habillés, portant parfois quelques biens sur leur dos, pas rasés, les soldats avançaient vers un camp de concentration (…) Le camp dont l’entrée n’est autorisée qu’en montrant un passe – bien difficile à obtenir – se trouve à Argelès-sur-mer.  L’entrée est bien gardée par des sentinelles de l’Armée Française. A l’intérieur nous trouvâmes d’abord l’endroit où la plupart des personnes qui nécessitent une hospitalisation  sont retenues.  Il est vraiment triste de voir tant d’hommes, beaucoup d’entre eux très jeunes,  privés de l’utilisation de leurs membres. Il ne me semblait pas qu’il était prévu quoi que ce soit pour les blessés, mais plus tard il me fut dit que le Gouvernement avait créé un fonds pour s’occuper de ces pauvres malheureux. Dans le camp il n’y avait aucune organisation ; personne ne semblait savoir qu’il y avait là des membres des Brigades Internationales et nous avons dû chercher pendant près d’une heure avant de les trouver.  Le camp consistait en de petits abris de paille construits par les hommes pour deux à cinq personnes.  Il n’y avait aucune installation sanitaire – alors la fosse la plus proche faisait l’affaire.  Certains n’avait aucun abri et étaient forcés de s’allonger (à même le sol) avec uniquement un manteau (comme protection). On m’a raconté l’histoire de quatre d’entre eux qui étaient ivres et s’étaient allongés sans couvertures – on les trouva morts le lendemain.  Il y a parfois des disputes quand quelqu’un suggère de revenir dans l’Espagne de Franco où ils peuvent librement le faire. En général, ils sont sous la garde des Sénégalais qui sont de bons gardiens et des types coriaces. Les membres de la Garde Mobile ont la réputation d’être cruels.  Il y a peu de femmes dans ce camp, car la plupart sont dans un camp qui leur est destiné.  Leur nourriture consiste en du pain – un pain pour trois hommes qu’ils doivent se partager.  Pas de viande, mais la rumeur courait qu’il y en aurait aujourd’hui. On leur fait faire une longue queue dont j’imagine qu’elle doit durer cinq heures. Des gendarmes avec des carabines gardent la nourriture.  Les membres des Brigades Internationales et les Américains sont particulièrement bien traités.  Ils avaient de la viande – du cheval naturellement – qui n’avait pas mauvais goût, et du pain en abondance.  Ils n’ont pas tenu de fusils dans leurs mains depuis cinq mois suite à l’accord du retrait des volontaires.  Ils ne savaient pas où diable ils allaient lors de leur retraite et pensaient qu’ils pourraient tomber entre les mains de Franco.  Ils étaient séparés des autres membres de leur groupe et ne savaient pas où ils se trouvaient. 

Extrait du rapport de John F. Kennedy Jr.  Archives John F. Kennedy Presidential Library and Museum. Traduction Toni Vert Williams  

Camp des internationaux, avril 1939.

Partie d’échec, camp des internationaux, avril 1939. Archives départementales des Pyrénées-Orientales. Fonds Belloch, 1Ph2/43.