Le camp de "surveillance"
Au printemps 1941, le camp d’Argelès-sur-Mer devient un « camp de surveillance ». Une partie de ce dernier est réservée aux travailleurs étrangers.
Le camp d’Argelès-sur-Mer fournit en 1940 et surtout en 1941 une main d’oeuvre importante pour l’économie locale et régionale. Si la plupart des hommes demeurent sous la tutelle d’un Groupement de travailleurs étrangers (GTE), d'autres peuvent être libérés suite à la signature d'un contrat de travail. Le secrétaire général de la police de Vichy émet toutefois des réserves à ces libérations. Elles ne concernent que les étrangers qui ne risquent pas de troubler l'ordre public, notion laissée à la discrétion des préfets. Une note du 6 mars 1941 précise ainsi que les "anciens miliciens espagnols" doivent être affectés à une compagnie de travail et que « en aucun cas les anciens combattants des Brigades internationales ne seront autorisés à quitter le centre où ils sont hébergés ».
Travailleurs étrangers rentrant au camp de surveillance d’Argelès-sur-Mer, 1941.
Fonds Couderc, Mémorial du camp d’Argelès-sur-Mer.
Cette nouvelle « gestion » des effectifs masculins fait apparaître une terminologie dès lors utilisée par les autorités. En 1941 le camp d'Argelès-sur-Mer devient un « camp de surveillance ». Il fournit des listes détaillées d'agriculteurs à disposition mentionnant le nom, le prénom, la date et le lieu de naissance, la profession et la situation de famille. Sous l'égide du Ministère de l’Agriculture et du commissariat à la lutte contre le chômage, des commissions viennent alors procéder à des recrutements. Au début de l’année 1941, groupement 3 bis du camp de surveillance d’Argelès-sur-Mer regroupe ainsi 3000 travailleurs dont un tiers est employé par les agriculteurs du département. Des commissions allemandes, notamment celles de l’Organisation Todt, viennent aussi puiser dans cette réserve en procédant notamment à des recrutements contraints.
Groupe d’internés du camp d’Argelès-sur-Mer, juillet 1941. Fonds famille Courtoisier.
En marge du camp de surveillance pour les prestataires étrangers, l’effectif du camp d’Argelès-sur-Mer diminue fortement durant l’été 1941, en raison du transfert des femmes et des enfants. Le camp est alors majoritairement composé d’hommes considérés comme inutiles pour l’économie nationale, en raison de leur âge ou de leur état de santé. C’est le cas du docteur Diego Ruiz Rodríguez âgé de 60 ans. Ce psychiatre et homme de lettre, cousin éloigné de Pablo Picasso, croise au camp d’autres hommes de lettres tel que Arthur Adamov ou Manolo Valiente qui évoque dans ses mémoires quelques-unes de ses conférences auxquelles il a assisté. A l’automne 1941, l’hôpital du camp devient un lieu de regroupement pour les étrangers malades ou infirmes, ne concernant à cette période que quelques centaines de réfugiés. Le reste du camp, qui tombe en ruine, sert au camp de surveillance pour prestataires étrangers.
Carte d’employé auxiliaire du camp de surveillance d'Argelès-sur-Mer. 1941. © Collections du Mémorial du Camp de Rivesaltes
Un encadrement très strict
Les prestataires étrangers sont soumis à des règles très strictes lorsqu’ils sortent du camp, dans le cadre du travail. Au printemps 1941, le Ministère de la Production Industrielle et du Travail, fait établir un règlement pour le Groupement 3 bis du camp d’Argelès-sur-Mer. Ce document, en français et en espagnol, doit être lu lors des appels. Il précise qu’il est formellement interdit de traverser des cultures (vignes, vergers... .) ou de cueillir des fruits sans autorisation... Abîmer, écraser ou prendre un produit est donc un vol. Le travailleur doit ainsi avoir sa carte d'identité et son autorisation de travail sur lui, suivre les routes et les sentiers pour se rendre d'un point à un autre et « observer le plus grand calme et une parfaite correction » s’il est interpellé par les forces de l'ordre. Ainsi, les travailleurs étrangers d’Argelès-sur-Mer sont soumis à un double règlement : celui qui régit le camp et celui qui régit les espaces de travail.
Ordres oraux à donner aux travailleurs étrangers du centre de surveillance d’Argelès-sur-Mer, mars 1941.
Fonds Mémorial d’Argelès-sur-Mer.
Témoignages
Antonio de la Fuente
On est arrivé à Argelès et là, les baraques étaient en très mauvais état parce que c’était très léger, c’était de la volige avec une couverture en carton goudronné. Les baraques avaient une forme un peu spéciale...