Structuration du camp

Durant ses premiers mois de fonctionnement en 1939, le camp d’Argelès-sur-Mer est divisé en différents îlots uniquement cloisonnés par du barbelé.

Le camp d’Argelès-sur-Mer est structuré dans l’urgence. Fin février 1939, il s'étend du nord du bois de Pins jusqu'à la Ribereta (vieux Tech). Calqué sur un modèle militaire, le camp a été initialement divisé en sous-camps (dits aussi îlots) selon les catégories des internés. Le long de l'allée centrale, surnommée la «rambla», se déploient ainsi ces sous-camps sous la forme de rectangles de tailles inégales. A gauche, côté terre, ceux des mutilés (îlot n°1), de la police et des gardes d’assaut (îlot n°2), de l’infanterie (îlot n°3), de la cavalerie (îlot n°4), de l'artillerie (îlot n°5), des services de l'intendance et des douaniers (îlot n°6), de l’aviation et des services de santé (îlot n°7). En face, le long de la mer, ceux réservés aux femmes et aux enfants (îlot n°1 bis), aux blessés (îlot n°2 bis), à l'infanterie (îlot n°3 bis), à la DCA (îlot n°4 bis), au génie (îlot n°5 bis), à la marine (îlot n°6 bis), aux fonctionnaires (îlot n°7 bis). De l'autre côté de la Ribereta, on trouve le camp n°8 qui est subdivisé lui aussi en îlots pour les civils  (îlot n°8 bis), les basques (îlot n°9), l’infanterie (îlot n°11) et les membres des brigades internationales (îlot n°10).


Plan du camp d’Argelès-sur-Mer, février 1939. Collection Mémorial du campo d'Argelès.

La surveillance, à l’intérieur et à l’extérieur du camp, est à la charge de l’armée qui s’appuie essentiellement sur des troupes coloniales. La Sûreté nationale, elle, exerce un contrôle à travers la mise en place d’un commissariat spécial. Les îlots sont gérés par les réfugiés eux-mêmes avec un chef de camp, en général un officier, en charge de la liaison avec les militaires français et la Sûreté nationale. L’hôpital du camp et ses différents services (commissariat, radio, PTT, intendance…) se trouvent à l’entrée du camp. Les officiers logent dans un premier temps à l’hôtel des Pins et dans des villas réquisitionnées tandis que la troupe reste sous des tentes. S’il est mouvant, ce plan militaire sera celui en vigueur durant la première partie du fonctionnement du camp d’Argelès-sur-Mer du début du mois de février 1939 jusqu’à la fin du mois de juin suivant. Les premiers logements des réfugiés, eux, ne seront construits qu’à partir du mois de mai grâce aux internés eux-mêmes qui pourront alors bénéficier de planches de bois et autres matériaux adéquats pour monter des baraques «type». Tous les internés arrivés aux mois de février et mars 1939, devront toutefois se contenter de cabanes rudimentaires, les fameuses Chabolas, pour s’abriter de la pluie et du vent. Nombreux sont ceux qui dormiront dans des trous creusés dans le sable.

Premières baraques du camp d'Argelès-sur-Mer.

Premières baraques au camp d'Argelès-sur-Mer. Photographie Pierre Izard. Revue Masssana.

Ce sont majoritairement des hommes qui vont connaître ces conditions de vie extrêmes, voire kafkaïennes, sur la plage d’Argelès-sur-Mer dans la première partie du fonctionnement du camp. Si l’immense majorité des femmes et des enfants a pu échapper ainsi à un internement dans des conditions d’hygiène déplorables, il existe toutefois une certaine porosité dans le dispositif de barrage visant à envoyer des civils dans des centres répartis dans toute la France . Aussi, des familles se sont retrouvées lors de l’exode prises dans la nasse des camps de concentration à commencer par celui d’Argelès-sur-Mer. Le camp d’Argelès-sur-Mer dispose ainsi lors de son ouverture d’une zone de placement pour les civils où l’on retrouve de nombreuses femmes accompagnées d’enfants. Cette catégorie de civils ne rentre toutefois pas dans les effectifs du camp. En l’état, on ignore ainsi le nombre de ces derniers internés dans la première partie du fonctionnent du camp. Comparé à la présence massive d’hommes, le nombre de femmes et d’enfants internés au camp d’Argelès-sur-Mer entre février et juin 1939 reste toutefois minoritaire au regard des effectifs de plusieurs dizaines de milliers d’hommes mais on retrouve la trace de nombreuses de ces femmes comme Adela Carreras Taurà, alias Adelita del Campo, danseuse barcelonaise et militante des Mujeres Libres, qui écrit dans le  Boletín de los estudiantes ou à travers les reportages des photographes de presse comme Robert Capa qui se rend au camp au mois de mars 1939.

Femme et enfant au camp d’Argelès-sur-Mer en mars 1939.

Femme et enfant au camp d’Argelès-sur-Mer en mars 1939. Photographie Robert Capa © International Center of Photography. Avec l’aimable autorisation de l’IC

Le camp des aviateurs

Les personnels navigants et non navigants de l’aviation républicaine sont regroupés dans le camp dit « des aviateurs ». En mars 1939, ce camp compte un peu plus de 5000 membres des flottes aériennes de l'Armée républicaine. Tous ces hommes seront transférés au camp de Gurs entre le 19 avril et le 14 mai 1939.  On y retrouve de nombreux pilotes dont certains des derniers AS de la chasse républicaine tels que Manuel Zarauza Clavero (1917-1942), José María Bravo Fernández (1917 - 2009), José Redondo Martín (1918-1998), Ramón Jiménez Marañón (1914-2000), Antonio Arias Arias (1915-1995) ou José Falcó San Martín (1916-2014) qui fut le dernier pilote républicain à abattre des avions allemands dans le ciel de Catalogne avec deux victoires créditées contre des Messerschmitts Bf 109 le 6 février 1939 au-dessus de Vilajuiga.

Extrait de la liste nominative du personnel du camp n°7 d’Argelès-sur-Mer, mars 1939.

Extrait de la liste nominative du personnel du camp n°7 d’Argelès-sur-Mer, mars 1939. Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine,  F/7/14731.

Témoignages

Gaston Bonheur

N'approche pas qui veut de la cité de sable. Le plus simple est de relever le col de son pardessus, d'être mal rasé et de se mêler à la foule des réfugiés. C'est ainsi que j'ai passé la nuit au camp d’Argelès…

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